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Fibre optique: nerveux, Swisscom veut faire entendre sa voix!

Fibre optique en Suisse, c'est le Far West!
Fibre optique en Suisse, c’est le Far West!

On connait l’intense travail de communication de Swisscom pour défendre ses positions. Il n’a pas démérité cette semaine à la suite de l’article publié ici mercredi sur la fibre optique et plus particulièrement sur les technologies point à point (P2P) et point à multipoint (P2MP). Il nous a donc contactés pour souligner que «pour de nombreux acteurs de la branche, la décision de la Comco/Tribunal fédéral administratif est difficile à comprendre».

Swisscom nous a suggéré quelques lectures et indiqué jusqu’à quel point ses propres concurrents (parfois des partenaires) ne comprenaient pas l’argumentation de la Commission de la concurrence (Comco) et du Tribunal fédéral administratif (TAF) qui ont mis en cause ses pratiques. Pour mémoire, le TAF évoque tout de même les «pratiques abusives d’une entreprise ayant une position dominante sous la forme d’une limitation du développement technique au sens de l’art. 7 de la loi sur les cartels». Mais que dit Swisscom?

Le patron de Swisscom réplique

«Si nous devions construire partout en nous appuyant sur P2P, nous devrions lancer un très grand nombre de travaux de génie civil. Cela serait synonyme de retards, de demandes d’autorisations de construire, de percées de routes ouvertes pour agrandir les conduites pour les câbles. Dans les villes, les conduites sont en général suffisamment grandes pour faire cheminer des fibres depuis le central téléphonique jusqu’à la chambre à câbles, scénario inenvisageable en zone rurale. Grâce à la structure P2MP, nous pouvons aussi construire et exploiter des réseaux de manière rentable dans des régions éloignées. Si le P2P nous est imposé, cela ralentira l’extension du réseau à fibre optique, et ce sont les régions rurales qui en souffriront le plus», selon cette page internet. En campagne, certains de mes contacts doivent s’étouffer en lisant ces propos…

Dans une interview accordée à Inside-ID, évoquant la technologie P2MP, Christoph Aeschlimann, responsable des réseaux de Swisscom en remet une couche en regrettant les spécificités suisses. «Ce n’est pas pour rien que 90% des réseaux dans le monde sont construits de cette manière. La technologie P2MP est moins chère plus efficace et on avance plus vite. En raison des volumes importants, l’innovation mondiale pour le secteur privé a lieu dans ce domaine».

Sunrise UPC dans le même sens

Dans une interview accordée à l’agence de presse AWP, le patron de Sunrise UPC André Krause va dans le même sens. Il explique que si Swisscom doit poser quatre fibres selon le modèle point à point il devra tirer plusieurs lignes jusqu’aux puits de connexion dans les quartiers déjà raccordés à la fibre optique. «Peut-être que Swisscom devra ouvrir les rues pour cela, s’il n’y a plus de place pour les lignes supplémentaires dans les gaines de câbles».

«Cela coûte du temps et de l’argent», souligne le patron de Sunrise UPC. Ainsi, l’offre de gros de Swisscom (Wholesale) deviendra plus chère pour les concurrents qui utilisent les fibres optiques du géant bleu. En contrepartie, les utilisateurs finaux devraient finalement payer ce développement. «Pour l’utilisateur final, ce n’est pas un grand avantage du point de vue de la qualité du produit», insiste-t-il… Depuis quand Sunrise UPC se soucie-t-il du portemonnaie de ses clients!?!

Salt et les autres…

Que penser? Pour que Swisscom attache autant d’importance à ce dossier, cela signifie que les enjeux sont énormes. Et lorsqu’on analyse en détail la décision du TAF, on constate que cette autorité n’a pas pris sa décision à la légère, comme la Comco d’ailleurs… Fondamentalement d’ailleurs, il est essentiel que ces institutions veillent au grain sur le marché suisse des télécoms très proche d’un duopole Sunrise UPC-Swissccom…

Mais que dit Salt? «La décision du TAF confirme que le déploiement du réseau de fibre optique en Suisse prendra du retard. Cette situation est particulièrement pénible pour les consommateurs suisses». Lire à ce sujet l’interview de son président. Il précise toutefois qu’en ce qui concerne le partenariat avec Swisscom, les deux parties se sont engagées à mettre en pratique l’accord précédemment trouvé selon cette nouvelle donne.

Pour le bien de qui? Et à quel horizon?

Ces développements me font penser à un héros de Pierre Schoendoerffer, un peu sophiste il est vrai, qui s’exclame au sujet d’une situation paradoxale: «le choix de l’homme n’est pas entre ce qu’il croit le Bien ou le Mal – ce serait simple et définitif — mais entre le Bien et un autre Bien, entre deux valeurs essentielles, qui tout à coup, par une sinistre facétie du destin se trouvent en contradiction». En effet, la Comco et le TAF ont pris la peine d’entendre de petits concurrents de Swisscom et d’énoncer un avis fondé.

En ce sens, la décision du TAF est judicieuse et reste à saluer. Ce signal fort montre qu’il n’y a pas que certains acteurs du marché qui ont le droit à la parole, raison pour laquelle nous avons pris la peine de relayer la position de Swiss4net récemment. De toute manière, pour revenir à Salt, son potentiel de croissance dans sa zone de couverture actuelle est immense… Et l’argumentation de Swisscom n’a pas convaincu le TAF, qui propose ici un dossier complet de plus de 200 pages…

Xavier Studer

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